Ta situation
Un(e) de tes amis a un intérêt soudain ou excessif pour une idéologie (une religion, un parti politique…) ? Ses habitudes changent (il/elle ne porte plus les mêmes vêtements, il/elle ne mange plus les mêmes choses…) ? Ton ami(e) tient des propos qui te choquent et tu sais qu’il/elle va sur des sites ou des forums de groupes extrêmes/radicaux ? Il/elle s’éloigne de ses amis, sa famille, ne suit plus à l’école ?
Ces signes peuvent vouloir dire que ton ami(e) s’est radicalisé(e) ou qu’il/elle est en train de se radicaliser.
Dans cette fiche, tu pourras trouver une définition de ce qu’est la radicalisation, des informations pour apprendre à repérer la radicalisation et des conseils sur ce que tu peux faire face à cette situation.
La radicalisation, c’est quoi exactement ?
En ce moment, on entend beaucoup parler de « radicalisation » dans les médias pour désigner la radicalisation islamiste, mais la radicalisation désigne bien plus que ça !
On parle de radicalisation lorsque quelqu’un justifie des actions violentes, les défend ou pense à y participer pour soutenir ses idées, qu’elles soient politiques ou religieuses. Une personne radicalisé(e) ou qui se radicalise critique souvent les règles qui organisent la société et l’Etat, comme par exemple les droits et les devoirs de chacun ou le pouvoir de certaines personnes. Il/elle cherche à ne plus faire partie du « système », ce qui se traduit souvent par un changement de ses habitudes : changement d’amis, changement ou arrêt des loisirs (sport, musique, dessin…), baisse d’intérêt pour l’école (il/elle a de moins bonnes notes ou ne va plus à l’école, par exemple) et éloignement de la famille.
La radicalisation est un phénomène qui peut toucher tout le monde, n’importe où. Les garçons, les filles, les adultes, les adolescents, les gens qui vivent dans des quartiers défavorisés ou des gens qui vivent dans des quartiers plus favorisés… Il n’y a pas de profil-type de gens qui se radicalisent. Ce que l’on sait, c’est que l’isolement et le rejet peuvent faciliter la radicalisation de quelqu’un.
Comment savoir si mon ami(e) se radicalise ?
Certains comportements qui changent chez une personne peuvent parfois faire que nous nous demandons si elle est en train de se radicaliser ou non. Voici des indicateurs qui peuvent t’aider à savoir si ton ami(e) est concerné(e) par une radicalisation. Sois tout de même vigilant(e) et ne tire pas de conclusions trop rapidement.
Les indicateurs qui ne signifient pas une radicalisation
Ton ami(e) :
- Argumente avec passion pour défendre ses convictions
- Exprime son identité ou son appartenance religieuse avec des signes visibles
- Prend position et milite sans violence pour défendre une cause
- Montre un grand intérêt pour l’actualité nationale ou internationale
- Exprime sa volonté de réintégrer ou d’approfondir une pratique religieuse ou politique
- Adopte de nouvelles croyances qui ne vont pas à l’encontre du vivre-ensemble
Les indicateurs préoccupants
Ton ami(e) :
- Adhère à des théories complotistes et conspirationnistes (« tout est préparé », « tout est écrit », « on nous manipule »…)
- Tient un discours de vérité absolue, paranoïaque, anti-social ou raciste
- A une obsession pour la fin du monde ou tient un discours de croyance en la venue d’un messie
- Ne fréquente plus ses amis ou abandonne ses loisirs (sport, musique…) et fréquente de nouveaux amis
- Est psychologiquement ou socialement fragile, sa famille est déstructurée
- A des antécédents judiciaires (condamnations pour des délits ou des crimes).
Les indicateurs très préoccupants
Ton ami(e) :
- Essaie de cacher ses croyances religieuses et ses signes d’appartenance
- Est en rupture avec l’école, sa famille ou son travail
- Est d’accord avec l’usage de la violence pour défendre une cause ou une idéologie
- Tient un discours déshumanisant à propos d’autres groupes ou personnes
- Fréquente des individus radicalisés autour de chez lui/elle ou sur Internet
- Consulte des sites ou de forums radicaux
Garde en tête que le critère le plus révélateur est la rupture avec son environnement habituel. Ne plus voir ses amis ou sa famille, ne plus pratiquer ses loisirs (sport, musique, théâtre, peinture…), ne plus aller à l’école sont des signes très préoccupants, parce que les mouvements radicaux présentent souvent les amis, les enseignants et les membres de la famille comme des personnes « endormies », parfois même comme des alliés de la conspiration ou du complot.
Comment réagir face à la radicalisation ?
Il est difficile de savoir comment réagir face à la radicalisation de quelqu’un, surtout quand on connaît bien la personne. Le processus de radicalisation la coupe de ses anciens repères, de son histoire et de son entourage. Il est donc plus compliqué d’établir des connexions avec elle.
Il n’existe pas de recette miracle dans ce genre de cas mais voici quelques conseils que tu peux appliquer :
En parler à un(e) adulte
La première des choses, c’est de parler de tes doutes ou de tes certitudes à un(e) adulte en qui tu as confiance : tes parents, un(e) enseignant(e), le/la CPE… Cette personne pourra sûrement t’écouter et te donner des conseils, voire même t’aider dans tes démarches si tu souhaites signaler la radicalisation de ton ami(e).
S'infomer sur le mouvement
Dans une situation de radicalisation, nous faisons face à une rupture dont nous ne comprenons pas bien les raisons. Il est donc important de réunir des informations sur le mouvement (qui en est le leader, quelle en est la doctrine…) afin de mieux connaître ce à quoi nous sommes confrontés, par quoi passe la personne…
Cela peut également permettre de mieux évaluer les risques auxquels s’expose ton ami(e) et quelles peuvent être les conséquences sur lui/elle mais également sur son entourage (pertes financières, atteinte à sa santé physique ou mentale…).
Maintenir ou rétablir le lien avec cet(te) ami(e)
Le plus important, si possible, est de maintenir le lien que tu as avec ton ami(e). Essaye de rester présent(e), ouvert(e) et disponible pour lui/elle.
Fais-lui sentir qu’il/elle peut avoir confiance en toi, que tu le/la considères, le/la respectes et le/la comprends. Intéresse-toi à ce qu’il/elle ressent et ce qu’il/elle vit. Favorise le dialogue avec tact en lui faisant comprendre que tu es là pour ton ami(e) si il/elle le souhaite. Quand cette personne te parle, écoute-la sans jugement. Tu peux lui poser des questions ouvertes (c’est-à-dire des questions auxquelles on répond autre chose que « oui » ou « non », comment par exemple « Qu’est-ce que tu penses de ça ? ») pour la faire réfléchir, sans l’obliger à y répondre.
Surtout montre-toi positif(ve), calme et bienveillant(e). Garde également à l’esprit que la compréhension mutuelle dans ce genre de situation passe mieux par l’affect (les émotions, les sentiments, les humeurs…) que par le contenu rationnel des conversations. Te confronter à cette personne par la parole ne ferait qu’aggraver la situation. Cela lui donnera encore plus la sensation que seul le groupe auquel elle adhère la comprend et la poussera à s’éloigner encore plus de toi et de ses proches. Il faut tout faire pour éviter la rupture !
Quelques réactions à éviter :
- prononcer des mots tels que « radicalisation », « extrémisme », « secte » ou « gourou », réaction à laquelle cette personne s’est préparée pour montrer qu’elle est incomprise de son entourage ;
- heurter de front ses nouvelles convictions, attaquer, même avec humour, le groupe, ou le leader du groupe.
Comment obtenir de l’aide ?
Tu souhaites être sûr qu’il s’agit bien d’une radicalisation ? Tu voudrais qu’un(e) professionnel(le) puisse répondre à tes questions ? Ou tu es déjà sûr(e) qu’il s’agit d’une radicalisation et tu voudrais signaler la situation pour que cet ami(e) puisse obtenir de l’aide ? Voici une liste de structures qui pourront t’aider.
Faire appel à une personne extérieure ne signifie pas que ton ami(e) va se retrouver en prison. Appeler ne représente pas une mesure punitive, il s’agit d’une mesure préventive. Après ton appel, ton ami(e) pourra bénéficier d’un accompagnement adapté. La prise en charge au téléphone est confidentielle : si tu donnes ton nom, personne ne le divulguera. Tu n’as pas besoin d’attendre que ton ami(e) présente des signes graves de radicalisation ou qu’il/elle soit sur le point de partir faire le djihad pour appeler. Personne ne te reprochera d’appeler tôt ou de ne pas être sûr(e) de toi. Au contraire, prendre en charge rapidement ton ami(e) lui permettra de sortir de cet embrigadement plus vite et plus facilement.
Le CNAPR (pour les questions d’enrôlement au djihad)
Numéro vert géré par l’Etat, le Centre National d’Assistance et de Prévention de la Radicalisation lutte contre l’enrôlement des jeune au Djihad. Au bout du fil, des personnes sont chargées d’écouter, d’informer, de recueillir les différents éléments de la situation et d’orienter les familles et les jeunes concernés vers les services compétents. Tu peux contacter le centre par téléphone au 0 800 00 56 96 du lundi au vendredi de 9h à 18h (appel gratuit depuis un téléphone fixe et prix d’un appel normal depuis un mobile) ou en remplissant le formulaire de contact sur le site. La prise en charge est gratuite et confidentielle, et tu n’es pas obligé(e) de donner ton nom.
Le CAPRI (pour la radicalisation en général)
Si tu souhaites t’informer ou que tu es confronté(e) à une situation de possible radicalisation, qu’elle soit politique ou idéologique, tu peux te faire accompagner par les professionnels du CAPRI en les contactant par téléphone au 09 83 59 17 11 (prix d’un appel normal depuis un fixe ou un mobile), en remplissant le formulaire de contact sur le site ou en envoyant un mail à contact@capri.help. La prise en charge est gratuite et confidentielle, et tu n’es pas obligé(e) de donner ton nom.
La MIVILUDES (pour la radicalisation en général)
La Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires peut donner son avis par e-mail en cas de doute sur une situation, via ce formulaire. Tu peux également informer d’une dérive sectaire pour obtenir de l’aide ou être orienté(e) dans tes démarches, via ce formulaire.
L’UNADFI (pour les dérives sectaires)
L’Union Nationale des Associations de Défense des Familles et de l’Individu victimes de Sectes vient en aide aux victimes de pratiques abusives exercées par des organisations de type sectaire. Les associations de son réseau (ADFI) reçoivent les victimes et leur famille afin de les conseiller et de les accompagner dans les démarches : conseils personnalisés, mise en contact avec des professionnels (psychologues, avocats…), aide dans les dépôts de plaintes, mise en place de groupes de parole… Tu peux obtenir les coordonnées d’une association près de chez toi ici.
Δ Si tu es sûr(e) que ton ami(e) s’est radicalisé(e) et que tu souhaites faire un signalement très rapidement, tu peux également contacter le 119. Ce numéro est ouvert 24h/24 et 7j/7 et l’appel est gratuit depuis tous les types de téléphone (portable, fixe, cabine téléphonique). Tu n’es pas obligé(e) de donner ton nom pour obtenir de l’aide.
Les droits de l’enfant et la loi
Le signalement d’un enfant en danger
Si tu connais un enfant qui se radicalise, tu as le devoir d’agir en prévenant un(e) adulte.
Sache que si tu le fais, il ne peut rien t’arriver car la loi te protège.
Les dérives sectaires
Une personne qui abuse de la situation de faiblesse d’un(e) mineur(e) pour le conduire à un acte ou à une abstention qui lui sont gravement préjudiciables (c’est-à-dire qui lui fait du tort) risque 3 ans d'emprisonnement et 375 000€, voire 5 ans d’emprisonnement et 750 000€ d’amende s’il s’agit du/de la dirigeant(e) d’un groupement sectaire (article 223-15-2 du Code pénal).
Le terrorisme
La loi condamne le fait de proposer, d'inciter ou de contraindre une personne à participer à un acte terroriste, même si l'acte n'a pas lieu (à travers des offres, des promesses, des menaces, des pressions…) (article 421-2-4 du Code pénal).
La loi interdit les actes de terrorisme (article 421-1 du Code pénal) et le fait de provoquer directement à des actes de terrorisme ou de faire publiquement l’apologie de ces actes, sur Internet ou ailleurs (article 421-2-5 du Code pénal). Les actes de terrorisme sont définis dans les articles 421-1 et 421-2-6 du Code pénal. Consulter des sites terroristes, détenir des documents provocants au terrorisme, chercher à se procurer une arme et à se former au maniement des armes, ou bien se procurer une arme et séjourner à l’étranger sur un théâtre d’opérations de groupements terroristes, par exemple, en vue de préparer une action terroriste, sont des exemples d’actes de terrorisme. La loi ne punit pas uniquement les personnes qui ont effectivement commis des attentats, mais également celles qui ont aidé à la préparation d’attentat. En effet, la définition d’« actes terroristes » inclut tous les préparatifs.
Cette réponse a été rédigée par l’équipe de la Fondation pour l’Enfance, en s’appuyant notamment sur les documents du CAPRI et de l’UNADFI.