Ta situation
Tu passes souvent des heures devant ton ordinateur ou ton téléphone ? Parfois, tu en oublies d’aller manger, de faire tes devoirs ou de te coucher tôt ? Tes notes ont chuté ? Tes week-ends sont réservés au jeu, tu ne vois plus tes amis et tu ne pratiques plus d’activités ? On te répète que tu es accro ? Tu aimerais savoir si ton comportement est « normal » ou si tu passes effectivement beaucoup trop de temps devant l’écran ?
Il est tout à fait normal de passer du temps devant l’écran, pour les devoirs, pour chercher des informations, pour communiquer avec ses amis ou pour se détendre en jouant par exemple. Parfois plusieurs heures par jour. Mais comment distinguer le comportement « sain » de la cyberdépendance ?
Cette fiche explique ce qu’est exactement la dépendance à Internet et aux jeux vidéo, et te donne des pistes pour réguler ta consommation.
La cyberdépendance, c’est quoi ?
On appelle « cyberdépendance » l’usage excessif de jeux vidéo ou d’Internet. « Excessif »… ça veut dire quoi ? A partir de combien de temps on peut dire que c’est excessif ? Nous l’expliquerons un peu plus bas dans « Comment reconnaître la cyberdépendance ? ».
Les cyberdépendants ont en général entre 12 et 35 ans, sont souvent des garçons, et se tournent plutôt vers les jeux vidéo. Les filles cyberdépendantes, elles, privilégient les réseaux sociaux (par exemple, vérifier ce qui a été posté ou commenté sur Facebook de manière obsessionnelle).
La cyberdépendance touche surtout les personnes qui traversent une période difficile, comme l’adolescence, mais aussi les personnes fragilisées, angoissées, timides, qui manquent de confiance en elles.
La cyberdépendance peut s’accompagner des changements physiologiques suivants : maux de tête et migraines chroniques, des maux de dos, une sécheresse des yeux, un syndrome du canal carpien (fourmillements, engourdissement puis douleur dans les doigts), une alimentation irrégulière, des repas sautés et de mauvaise qualité, des insomnies ou de modifications dans le cycle du sommeil, une perte de concentration, une négligence de l’hygiène personnelle…
Sans qu’il y ait une véritable addiction, l’excès d’écran peut aussi avoir des effets négatifs : déficit de sommeil, alimentation peu équilibrée, perte de concentration, manque d’exercice… dès lors que ta consommation a des impacts négatifs sur ta vie, il est préférable de réagir pour réguler ta consommation.
Pourquoi devient-on cyberdépendant(e) ?
Ce n’est pas véritablement le jeu qui rend dépendant, même si les éditeurs de jeux font tout pour que leurs joueurs restent connectés, mais plutôt une certaine vulnérabilité chez le joueur, parce qu’il ne se sent pas très bien dans sa vie.
Le jeu peut devenir un refuge, un endroit qui rassure, notamment chez les personnes qui ont le sentiment de ne pas avoir de contrôle de ce qui leur arrive. Par exemple, un élève qui, malgré ses révisions sérieuses, a une mauvaise note à un examen, ou quelqu’un dont les parents sont en train de divorcer. Être dépendant au jeu s’explique parfois par l’envie inconsciente de réussir là où l’on n’a pas réussi ou qu’on pense ne pas réussir dans la vraie vie.
Internet peut également être un outil de procrastination (cette envie de reporter toujours ce que l’on doit faire au lendemain !) ou d’évitement des obligations quotidiennes (les devoirs, le ménage…) qui sont perçues comme angoissantes, stressantes ou ennuyeuses.
Parfois, le fait d’échanger sur Internet cache des difficultés ou des handicaps personnels, une difficulté à être en relation avec les autres dans la vraie vie, une faible estime de soi… Ton avatar peut également être une source de valorisation, surtout s’il est admiré pour ses performances dans le réseau de joueurs où tu évolues.
Plusieurs facteurs peuvent faciliter la dépendance, notamment chez les joueurs de jeux en ligne type MMORPG (World of Warcraft, Guild Wars, Dofus…), comme l’explique l’ACLEEA :
- L’univers persistant, permanent et infini : certains jeux n’ont pas de fin, évoluent sans cesse et fonctionnent même quand le joueur n’est pas connecté.
- La certitude : le joueur est certain d’être récompensé pour le temps qu’il aura passé dans le jeu, contrairement à la vraie vie qui est faite de choses que l’on ne contrôle pas toujours.
- L’immersion : le réalisme du jeu et l’anonymat facilite la désinhibition du joueur qui a le sentiment d’exister dans le virtuel.
- La communauté : le joueur a le sentiment d’appartenir à un groupe, qui lui offre une forme de reconnaissance.
Comment reconnaître la cyberdépendance ?
Tout d’abord, réglons un point : ce n’est pas parce que tu joues aux jeux vidéo, même pendant de longues heures, que tu es forcément dépendant(e) !
Et pas besoin de culpabiliser : jouer est une source de plaisir et de créativité. C’est un antistress qui te permet de développer des compétences et des qualités : travail d’équipe, coopération, capacité à résoudre des problèmes, empathie, capacités visuelles… sans même t’en rendre compte, tu as peut-être déjà développé beaucoup de ces compétences !
Le jeu peut également aider certaines personnes à remédier à des difficultés dans leur rapport avec les autres, à s’affirmer, créer des liens d’appartenance, expérimenter la solidarité, la reconnaissance sociale… alors que cela leur est plus difficile dans la vie réelle, parfois parce que le corps entre en jeu, ce qui n’est pas le cas dans le virtuel.
Venons-en maintenant à la dépendance. Bien évidemment, le premier critère qui nous met la puce à l’oreille est le temps passé devant l’écran. Si tu passes tes journées à jouer, il y a plus de chances que tu sois dépendant que si tu ne joues qu’une heure par jour. Mais se baser uniquement sur le temps passé ne suffit pas pour dire si tu es dépendant(e) ou non.
Une personne qui présente une cyberdépendance va avoir tendance à se replier sur elle-même, à abandonner ses autres loisirs, ses activités sportives, négliger ses amis, ses devoirs… Elle est en train de se désocialiser. Pour le psychiatre Serge Tisseron, l’usage des jeux vidéo devient un problème quand « on cesse de jouer pour le plaisir, et qu’on joue pour lutter contre un déplaisir (un ennui, une contrariété…)« .
Voici une liste de critères qui peuvent t’être utiles pour déterminer si tu es concerné(e) par la cyberdépendance :
- Tu penses souvent aux jeux vidéos ou à tes activités sur Internet, tu anticipes tes prochaines connexions, ce que tu vas y faire…
- Tu aimerais te contrôler, te limiter ou arrêter mais tu n’y arrives pas.
- Tu es agité, de mauvaise humeur, tu ressens un vide lorsque tu essaies de réduire ou d’arrêter tes activités sur Internet.
- Tu utilises les jeux vidéos ou Internet plus longtemps que prévu, même lorsqu’une autre activité est programmée ensuite.
- Tu mets en danger ta scolarité, abandonne un loisir, tu as fragilisé ou as perdu une relation qui était importante pour toi, un ami… à cause de ton utilisation des jeux vidéos ou d’Internet.
- Tu sais que les jeux vidéos ou Internet a créé ou amplifié certaines difficultés dans ta vie mais tu continues à l’utiliser excessivement.
- Il t’arrive de mentir aux personnes qui t’entourent (ta famille, tes amis, ton médecin…) pour ne pas montrer à quel point tu es souvent devant ton écran.
- Tu utilises les jeux vidéos ou Internet afin d’échapper aux difficultés ou soulager ta tristesse, ton insatisfaction, ton anxiété, une dépression…
- Tu passes un temps excessif devant ton écran (ce critère à lui seul ne suffit pas à déterminer une situation de cyberdépendance).
- Les jeux vidéos ou Internet est utilisé pour remédier à des difficultés à entrer en relation avec les autres. Il est important de se poser la question : « est-ce que les jeux vidéos ou Internet est la cause de mon isolement, ou la conséquence, ou un refuge temporaire pour éviter de penser aux difficultés présentes dans ma vie ? ».
- La perception que tu as de toi-même est déformée par les jeux vidéo et des problèmes psychosociaux se développent (plus de rapports avec les autres dans la vraie vie…).
- Le rapport à la réalité est difficile : même si les joueurs ne confondent pas le jeu et la réalité, y compris chez les plus dépendants, certaines personnes peuvent trouver difficile d’accepter les contraintes de la vie réelle (études, travail, amour, amitié…), considèrent qu’elle expose à des soucis alors que le jeu, lui, est stimulant.
Tu es cyberdépendant(e) ? Quoi faire ?
Tu te reconnais dans plusieurs critères de la partie « Comment reconnaître la cyberdépendance » ? Il est possible que tu sois donc concerné par cette dépendance. Pas de panique… ! Si tu es venu(e) consulter cette fiche, c’est que tu es préoccupé(e) par ton usage excessif d’Internet et que tu désires visiblement trouver une solution. La première étape a donc déjà été franchie, et c’est la plus importante : la volonté de changer.
Première chose : en parler.
Il est important d’en discuter avec ta famille pour que vous puissiez trouver une solution ensemble. La plupart du temps, la cyberdépendance entraîne des tensions, parce que tu ne viens plus manger à table avec tout le monde, par exemple, que tu te réveilles la nuit pour aller sur Internet, ou que tu ne passes plus de temps avec tes amis… Si tu expliques clairement que tu prends conscience que ta consommation est trop forte, non seulement les remarques vont diminuer (« il/elle sait déjà qu’il/elle joue trop, pas besoin de le lui rappeler sans cesse ») mais tes proches pourront t’épauler pour changer ta pratique.
Si quelque chose ne va pas bien dans ta vie, c’est peut-être aussi le bon moment pour en parler : tu subis du harcèlement à l’école ? Tu te sens seul(e) ? Tu es mal dans ta peau ou tu n’as pas confiance en toi ? Tu voudrais que ta famille te soutienne plus et passer plus de temps avec ? Si tu te renfermes dans une pratique excessive, ce n’est pas uniquement parce que les jeux sont bien faits, c’est aussi et surtout parce qu’être dans le virtuel est plus confortable pour toi. Cherches-tu à fuir quelque chose ou quelqu’un ? Qu’est-ce qu’il faudrait changer dans ta vie pour que tu n’aies plus envie de rester des heures devant ton écran ?
Les parents qui font face à un enfant qui est accro à Internet et qui ne respecte plus les règles de la maison peuvent avoir l’impression de perdre leur autorité, et donc devenir agressifs. Ils ne se rendent pas forcément compte que derrière cette dépendance, il y a aussi une souffrance. En parler fera du bien à tout le monde !
Arrive à te contrôler tout(e) seul(e)
Tu l’as compris, la meilleure solution n’est pas de couper le courant de toute la maison pour t’empêcher de d’utiliser Internet, ou de cadenasser l’ordinateur… Il faut que tu puisses arriver à t’auto-contrôler. Le contrôle de soi-même, c’est une grande force !
Limite la durée que tu passeras devant l’écran en fixant des temps de connexion ou en instaurant une « banque de temps ». Demande l’aide de tes parents pour t’y aider car ça peut ne pas être facile au début. Si tu joues en équipe, préviens lorsque tu te connectes que tu ne seras là que de 20h à 21h par exemple, et que tu as d’autres choses à faire après. De cette manière, tes amis de jeux ne pourront pas dire, avant que tu ne te déconnectes, « Quoi ! Comment ça tu t’en vas ? Vas-y reste ! ». Tu les avais prévenus.
Sur Internet, le temps passe très vite, sans que l’on s’en rende compte. Pour t’aider à en prendre conscience, tu peux noter tes heures de connexion sur un carnet.
Essaie d’arrêter Internet lorsque tes parties sont terminées, même s’il te reste encore un petit peu de temps autorisé. Si ton père ou ta mère finit par couper la connexion parce que tu n’as pas arrêté à l’heure dite, tu seras frustré(e)… et ça se comprend. C’est comme si on coupait un film en plein milieu !
Pas d’ordinateur dans la chambre.
Pas facile de se contrôler correctement lorsque l’ordinateur est dans la chambre… Pour t’aider à réguler ta consommation, essaie de l’installer dans le salon ou la salle à manger, et n’y touche plus lorsque tu es dans ta chambre. En plus, cela te permettra de te coucher plus tôt, car faire de l’ordinateur avant de dormir te met dans un état d’excitation qui rend difficile de trouver le sommeil.
Implique ta famille.
C’est beaucoup plus facile de contrôler sa consommation des jeux vidéos ou d’Internet lorsque tout le monde le fait à la maison. N’hésite pas à mettre tes parents à contribution en leur proposant un jeu de société à la place. On est plus motivés à plusieurs… Et peut-être qu’eux aussi ont envie de se limiter !
Essaye d’autres activités.
Quand on est cyberdépendant(e), on est en situation de repli social. Il est important que tu essaies de rencontrer des personnes, de faire des activités, de la musique, du dessin, du sport, apprendre une langue… il y a forcément quelque chose qui te tente, que ce soit en club au collège ou au lycée, ou en dehors. Si jamais il est trop tard pour t’inscrire, tu peux essayer de voir s’il existe un local jeunes près de chez toi, t’engager dans une association ou faire des stages artistiques ou sportifs pendant les vacances.
Cherche une aide extérieure.
La cyberdépendance peut aussi être traitée par un(e) psychologue, un(e) pédopsychiatre… Les personnes qui se dirigent vers un spécialiste ne sont pas « folles » ou « fragiles ». Il y a parfois des problèmes qui sont difficiles à régler tous seuls, parce qu’ils durent depuis un moment, parce qu’on ne sait pas d’où ils viennent, parce qu’on souffre trop, parce qu’on a pas assez de soutien autour de soi… Si tu souhaites faire la démarche seul(e) ou ne pas payer la consultation, tu peux te diriger vers la Maison des Adolescents. Il y en a forcément une proche de chez toi (consulte la liste ici). Ils disposent de consultations psychologiques gratuites, et tu peux t’y rendre avec ou sans tes parents. Il existe également des structures spécialisées dans les dépendances aux jeux vidéo (voir cet annuaire) ou dans les dépendances en général (voir cet annuaire).
Cette réponse a été rédigée par l’équipe de la Fondation pour l’Enfance, en s’appuyant notamment sur les documents « Les règles du jeu… information et prévention sur l’usage des jeux vidéo à la maison » de l’ACLEEA, « La cyberdépendance, état des connaissances, manifestations et pistes d’intervention » du Centre Dollard-Cormier – institut universitaire sur les dépendances, et « Addictions sans substance » de la Fédération Addiction. L’association e-Enfance a aimablement contribué à cette réponse en faisant part de son expertise sur le sujet.