Votre situation
Votre enfant a donné une photo intime à son copain ou sa copine, et il/elle menace de la montrer à tout le monde ? Un enfant de votre entourage a été piégé par webcam et est devenu la cible d’un chantage sexuel ou financier ? Vous cherchez une solution pour éviter de voir publiées ces images intimes ou pour les faire supprimer ?
« Sexting », « revenge porn », « sextorsion »… un point sur les mots
On appelle le « sexting » le fait de s’envoyer des photos ou textes sexuellement explicites (des « sextos », qui dérive de « textos »), surtout par téléphone portable. Ceci n’est pas uniquement une pratique d’adolescents, c’est aussi une pratique d’adultes !
Selon les chiffres d’une étude réalisée en 2015, 31,5% des adolescents français de 13-17 ans disent connaître la pratique du sexting1. 20% des adolescents ont déjà réalisé des photos ou des vidéos à caractère érotique ou pornographique.
On appelle le « revenge porn » (en français, « vengeance pornographique ») le fait de se venger d’un ancien ou d’une ancienne petite amie qui nous a trompé(e) ou quitté(e) en diffusant ses photos ou vidéos intimes.
On appelle la « sextorsion » (qui provient des mots « sexe » et « extorsion ») le fait de diffuser des images sexuelles de quelqu’un ou de dire certaines choses qui pourraient porter atteinte à son honneur si cette personne ne donne pas d’argent, si elle ne répond pas à des demandes sexuelles, si elle arrête une relation… Si les images intimes ont déjà été diffusées, on parle de sextorsion. Si elles n’ont pas été diffusées, on parle de chantage, qui est tout autant interdit par la loi.
Le plus souvent, la sextorsion a lieu par webcam avec une personne inconnue, rencontrée sur un tchat ou un site de rencontre. Cette dernière demande à ce que la victime se déshabille et en profite pour enregistrer la scène. Elle la fait ensuite chanter en la menaçant de diffuser ces images auprès de ses proches si elle ne donne pas d’argent.
1 DELMOTTE, Sophie (2016) Le sexting chez les adolescents : modalités, conséquences, rapports avec la pornographie et leur sexualité. Th. doct. : Médecine : Université Lille 2 Droit et Santé, 91p.
Avant toute chose : rassurez la victime !
Il est fort probable qu’il/elle soit en train de culpabiliser : « pourquoi j’ai envoyé ces photos ? », « j’ai vraiment été trop bête, trop naïve… ».
Quand une personne est victime de chantage, elle est sous la pression permanente qu’un contenu intime sur elle-même puisse être diffusé sur Internet ou par SMS, à ses camarades, à sa famille… portant atteinte ainsi à son honneur (« on va penser que je suis une salope », « tout le monde va voir une photo de mon sexe, on va se moquer de moi »…). La situation est très difficile à contrôler et l’angoisse est donc omniprésente. Si votre enfant a fait la démarche de venir se confier à vous, c’est qu’il/elle s’est senti suffisamment désemparé(e) pour avoir le besoin d’en parler.
Ne culpabilisez pas votre enfant. Rappelez-vous toujours qu’il s’agit d’une victime. Et que le coupable est celui ou celle qui menace la diffusion ou a diffusé ces contenus intimes.
Il est possible que vous découvriez à ce moment l’existence de la vie intime de l’enfant, que vous n’imaginiez pas jusqu’alors, et vous pouvez en être surpris(e). S’il est normal pour un parent de ressentir de l’inquiétude quant à la sexualité de ses enfants (« Est-ce qu’ils se protègent ? », par exemple), il est important que vous gardiez à l’esprit qu’il est tout à fait normal pour les adolescents de vouloir explorer l’inconnu de la sexualité et que cela fait partie de leur intimité. Ne portez pas de jugement et évitez les remarques du type « Pourquoi tu as fait ça ? », « Si j’avais été à ta place… », « C’est évident que… ». Tout le monde peut se « faire avoir », même les adultes, encore plus lorsque l’on est dans une relation de couple où l’on fait confiance à l’autre.
Chaque année, un nombre considérable de personnes sont victimes de revenge porn ou de sextorsion. Sans dramatiser, ne prenez pas la situation à la légère. Ce genre de situations a déjà emmené des enfants vers la dépression, voire le suicide pour les cas les plus graves. Pour près d’1 jeune sur 3 qui a déjà pratiqué l’envoi de photos érotiques ou pornographiques, celui-ci s’est accompagné de conséquences (angoisse ou mal-être, harcèlement, sanction par les parents, dépression, hospitalisation ou tentative de suicide, exclusion scolaire). Montrez à votre enfant qu’il/elle peut compter sur vous et que vous allez tout faire pour l’aider à se sortir de cette situation.
Ce que vous pouvez faire
Contactez le 3018
Vous pouvez vous adresser au 3018, le dispositif national contre les violences numériques. Accessible soit par téléphone, soit par tchat en direct sur 3018.fr via Messenger ou WhatsApp, ce service gratuit, anonyme et confidentiel est disponible du lundi au samedi, de 9h à 20h. A votre demande, un signalement est immédiatement effectué auprès des réseaux sociaux (Facebook, Twitter, Snapchat, Instagram, TikTok, Twitch, Youtube, Roblox, Discord, Yubo) pour obtenir la suppression du contenu qui porte préjudice à votre enfant. Si vous souhaitez porter plainte ou prendre rendez-vous auprès d’un psychologue, l’équipe professionnels pourra également vous renseigner et vous épauler dans vos démarches auprès des autorités compétentes, et vous orienter vers les services spécialisés
La photo ou la vidéo n’a pas été publiée ou diffusée
Voici ce que vous pouvez faire dès à présent :
- Votre enfant doit demander à ce que soient supprimés les contenus intimes, et à ce qu’ils soient aussi supprimés sur les supports des personnes à qui ils auraient éventuellement été transmis.
- Votre enfant doit avertir la personne des sanctions qu’elle encoure si elle diffuse les contenus intimes (vous trouverez toutes ces informations plus bas dans la partie « ce que dit la loi ») et dire qu’il/elle va porter plainte.
- S’il s’agit d’une personne qu’il/elle ne connaît pas : l’enfant ne doit donner aucune information qui pourrait l’aider à faire son chantage. Il/elle doit vérifier que ses comptes sur les réseaux sociaux sont bien paramétrés pour que cette personne ne puisse pas avoir accès à sa liste d’amis ou à ses informations personnelles (la ville habitée, son numéro de téléphone, son collège ou son lycée…). Si votre enfant est ami(e) avec cette personne sur Facebook, il/elle doit la bloquer.
- Si la personne menace de publier sur Facebook, l’enfant peut signaler le chantage ici.
- Votre enfant doit prendre des captures d’écran de la situation (les messages reçus, les contenus à effacer…) et signaler directement la situation ici. L’anonymat peut être conservé, et la situation sera traitée de manière confidentielle.
- Votre enfant ne doit pas donner d’argent ou répondre aux demandes sexuelles.
- Votre enfant ne doit plus parler à la personne qui le/la menace.
- Si besoin, votre enfant peut avertir ses amis de confiance de manière à ce qu’ils puissent le/la tenir au courant si jamais la personne met ses menaces à exécution sur les réseaux sociaux.
- Vérifiez régulièrement sur Google que rien n’a été diffusé en tapant le nom et le prénom de votre enfant. Vous pouvez également recevoir automatiquement une alerte Google à chaque fois qu’une page Internet mentionne ses nom et prénom. Vous trouverez la marche à suivre ici.
Si aucune de ces manœuvres ne réussit à faire arrêter le chantage ou supprimer ces contenus, rendez-vous à la gendarmerie ou au poste de police et portez plainte. Les gendarmes ou les policiers ont l’obligation de prendre votre plainte. En cas de refus, vous pouvez porter plainte directement auprès du Procureur de la République.
La photo ou la vidéo a été publiée ou diffusée
Voici ce que vous pouvez faire dès à présent :
- Si la photo ou la vidéo intime apparaît dans les résultats quand on tape le nom de votre enfant sur Google, on peut demander à ce que ces résultats soient déréférencés, c’est-à-dire qu’ils n’apparaîtront plus dans les résultats de recherche associée à son nom. C’est ce que l’on appelle le « droit à l’oubli ». Pour ce faire, rendez-vous ici.
Δ Attention, cela ne supprime pas la photo ou la vidéo, c’est pour ça qu’il est important de faire supprimer les images en priorité.
- Vous pouvez vous adresser au 3018, le dispositif national contre les violences numériques. Accessible soit par téléphone, soit par tchat en direct sur 3018.fr via Messenger ou WhatsApp, ce service gratuit, anonyme et confidentiel est disponible du lundi au samedi, de 9h à 20h. A votre demande, un signalement est immédiatement effectué auprès des réseaux sociaux (Facebook, Twitter, Snapchat, Instagram, TikTok, Twitch, Youtube, Roblox, Discord, Yubo) pour obtenir la suppression du contenu qui porte préjudice à votre enfant.
- Vous ou votre enfant devez signaler immédiatement la situation ici. Vous pouvez garder l’anonymat, et la situation sera traitée de manière confidentielle.
- Si le contenu se trouve sur Facebook, l’enfant peut utiliser le lien « signaler » présent à côté de tous les contenus. Vous trouverez la marche à suivre ici.
- Si le contenu se trouve sur Twitter, votre enfant enfant peut signaler les tweets et contenus choquants directement à partir des tweets ou via le centre d’assistance. Vous trouverez la marche à suivre ici.
- Si besoin, votre enfant peut avertir ses amis de confiance de manière à ce qu’ils puissent le/la tenir au courant si jamais la personne met ses menaces à exécution sur les réseaux sociaux.
- Vérifiez régulièrement sur Google que rien n’a été diffusé en tapant le nom et le prénom de votre enfant. Vous pouvez également recevoir automatiquement une alerte Google à chaque fois qu’une page Internet mentionne ses nom et prénom. Vous trouverez la marche à suivre ici.
Si aucune de ces manœuvres ne réussit à faire arrêter le chantage ou supprimer ces contenus, rendez-vous à la gendarmerie ou au poste de police et portez plainte. Les gendarmes ou les policiers ont l’obligation de prendre votre plainte. En cas de refus, vous pouvez porter plainte directement auprès du Procureur de la République.
Et après… ?
Une fois la situation rentrée dans l’ordre, vous pouvez proposer une discussion autour de ce qu’il s’est passé (l’enfant s’est-il senti obligé ou a-t-il été forcé d’envoyer ces images ?), de la sexualité, des différents « risques », tout en respectant l’intimité de votre enfant.
S’il/elle ne souhaite pas en parler, ou si vous ressentez vous-même de la gêne, indiquez-lui que vous restez à sa disposition, et qu’il/elle peut également en parler à quelqu’un de confiance (sa tante, son grand frère, les professionnels du planning familial ou de la maison des adolescents…). Acceptez le fait qu’il ne veuille pas vous en parler à vous directement, même si c’est difficile. Notez qu’il est en général plus facile pour un enfant de discuter de ces sujets avec le parent du même sexe.
En ce qui concerne la pratique du sexting, tant qu’elle est volontaire et non subie par votre enfant, elle reste une partie de sa sexualité et donc de son intimité. S’il est fort possible qu’après un événement stressant lié à cette pratique, il/elle ne souhaite plus s’y adonner pendant quelques temps, cela peut aussi ne pas être le cas. Considérant que l’on ne peut empêcher les adolescents de s’envoyer des « sextos », le Dr. Sophie Delmotte, auteure de l’étude sur le sexting, recommande de « les inciter à rendre anonyme les clichés pris, à prendre des précautions sur le lieu, les parties montrées dans leur mise en scène » afin de « [limiter] les retombées et conséquences de cette pratique ».
Pendant quelques temps, vérifiez régulièrement sur Google que rien n’a été de nouveau diffusé en tapant les nom et prénom de votre enfant. Vous pouvez également recevoir automatiquement une alerte Google à chaque fois qu’une page Internet mentionne ses nom et prénom. Vous trouverez la marche à suivre ici.
Agir en prévention
Vous êtes parent ou travaillez au contact d'enfants ?
- Vous êtes parent : une discussion avec votre enfant sur les risques que peut comporter certaines pratiques, notamment le sexting, peut être très utile. Des articles de presse sur le sujet sont idéals pour amorcer la conversation.
- Vous travaillez au contact des enfants : n’hésitez pas à aborder le sujet, en vous appuyant par exemple sur les différents documents réalisés par Point de contact sur le sexting et la sextorsion. Des vidéos peuvent également être utilisées comme support, notamment celle réalisée par la Sûreté du Québec.
Ce que dit la loi sur…
Le droit à l’image : pas de photo, texte ou vidéo publié(e) sans consentement !
Le droit prévoit que l'image et les informations personnelles d'une personne doivent être protégées car il s'agit du droit fondamental à la vie privée des personnes (article 9 alinéa 1 du code civil).
Le consentement doit être donné par les deux parents lorsque la personne représentée sur l’image est mineure.
D’après la loi la transmission ou la diffusion de l’image d’une personne, se trouvant dans un lieu privé et sans son consentement peut être sanctionné d’1 an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende (article 226-1 Code pénal). S’il s’agit d’une image ou une vidéo prise dans un lieu public (dans la rue rue, la plage…), c’est aussi interdit, et l’on pourra se reporter à l’article 9 du Code civil.
Lorsque les photos ou vidéos intimes représentent une personne mineure, la peine est encore plus lourde : le fait, en vue de sa diffusion, de fixer, d’enregistrer ou de transmettre l’image ou la représentation d’un mineur lorsque cette image ou cette représentation présente un caractère pornographique est puni de 5 ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende (article 227-23 du Code pénal). Lorsque l’image ou la représentation concerne une personne mineure de 15, ces faits sont punis même s’ils n’ont pas été commis en vue de la diffusion de cette image ou représentation.
Le droit à l’effacement
Toute personne peut demander à faire effacer ses données des résultats d'un moteur de recherche.
La loi européenne donne la possibilité d’obtenir l’effacement des données personnelles en ligne (photos, vidéos, textes…) (article 17 du règlement UE 2016/679).
Le chantage et de la sextorsion
Si quelqu’un menace de diffuser une photo ou une vidéo ou de révéler à tout le monde des choses qui pourraient porter atteinte à l’honneur si l’on ne donne pas d’argent, d’autres photos intimes, ou si l’on ne continue pas une relation… il s’agit de chantage.
Au regard de la loi, c’est puni de 5 ans d’emprisonnement et de 75 000€ d’amende (article 312-10 du Code pénal).
Si la personne a mis ses menaces à exécution et qu’elle a diffusé ces photos ou vidéos, ou qu’elle a révélé des choses portant atteinte à l’honneur, on parle alors de « sextorsion », qui est punie comme l’extorsion : la peine est de 7 ans d’emprisonnement et 100 000€ d’amende (article 312-1 du code pénal).
Le harcèlement
La loi punit aussi le fait qu’une personne harcèle : celle-ci risque 1 an d’emprisonnement et 15 000€ d’amende.
La peine est plus lourde encore si l’enfant a moins de 15 ans OU si le harcèlement s’est fait sur Internet : 2 ans d’emprisonnement et 30 000€ d’amende, et peut même atteindre 3 ans d’emprisonnement et 45 000€ d’amende si l’enfant a moins de 15 ans ET que le harcèlement s’est fait sur Internet (article 222-33-2-2 du Code pénal).
Les menaces de crime (meurtre, viol…) ou de délit (agression, violences…), de manière répétée, sont aussi punies par la loi.
Cette réponse a été rédigée par l’équipe de la Fondation pour l’Enfance. L’association e-Enfance y a aimablement contribué en faisant part de son expertise sur le sujet.